Améliorer sa communication interpersonnelle est particulièrement important dans le monde professionnel, où la qualité des échanges influence – plus profondément qu’on ne le pense – l’efficacité de l’organisation, l’avancée des projets, la dynamique de l’équipe. Pour devenir un meilleur « communicant » dans l’entreprise, il faut en priorité éviter les pièges les plus fréquents qui nous sont tendus, par la nature même des interactions humaines. Commençons par les connaître pour mieux savoir les éviter.
Améliorer sa communication et optimiser la qualité de la relation
La communication interpersonnelle est sans doute l’une des activités les plus complexes de l’univers ! De multiples paramètres interviennent pour brouiller les cartes ou fluidifier son processus. Apprendre à mieux communiquer, à améliorer sa communication, est aujourd’hui une question essentielle, tant pour la qualité des relations, privées et professionnelles, que pour échapper aux multiples pièges, manipulations et désinformations qui envahissent le champ social.
Cet article recense les principaux freins ou obstacles à une communication efficace. Ils dépendent à la fois de notre environnement, du fonctionnement de notre cerveau, de nos attitudes personnelles et des limites du langage. Repérer, décrypter et apprendre à contourner en partie ces obstacles permet d’éviter un grand nombre de problèmes relationnels, de tensions, de blocages, de conflits et d’insatisfactions en tout genre.
Les « bruits » de l’environnement
En communication, on désigne par « bruits » les interférences diverses qui peuvent perturber ou dégrader la transmission et la réception d’un message. Ainsi, cela peut être de véritables parasites sonores qui empêche l’écoute, de mauvaises conditions techniques de transmission (téléphone, visioconférence, document difficile à lire, site Internet peu ergonomique…), des distractions de l’attention (personnes qui rentrent dans un bureau, hors sujets lors d’un débrief…), une réunion mal animée ou qui dure trop longtemps, ou encore le mauvais choix du moment ou de l’endroit pour un entretien.
Certains « bruits » sont dus à l’organisation elle-même : la lenteur de la circulation des informations, le poids de la hiérarchie et les blocages de dossiers à différents étages, l’opacité du processus de décision…
Enfin, d’autres émanent directement de l’émetteur et/ou du récepteur du message : sa fatigue, son stress, son manque d’intérêt, ses préoccupations personnelles qui prennent le dessus ou encore des pressions extérieures qui détournent son esprit du sujet traité.
Pour améliorer sa communication, il importe de tenir compte du contexte spécifique de l’échange dans lequel on s’engage.
Les filtres individuels de perception
Par définition, nos sens ne peuvent percevoir tout ce qui existe autour de nous. Nos limitations physiques, biologiques, font que nous sélectionnons certaines informations, nous les « filtrons » en quelque sorte. Et chaque individu « filtre » à sa façon, en fonction de sa place dans le temps et l’espace, de ses centres d’intérêt, de sa personnalité…
Ceci est évidemment à l’origine de beaucoup d’incompréhensions, de malentendus, de quiproquos, puisque chacun perçoit et interprète les évènements « à sa façon », en restant centré sur soi.
Ce qui existe au niveau individuel se reproduit aussi au niveau d’une organisation, d’un service, d’une équipe, « chacun voit midi à sa porte » selon un dicton célèbre. Il est question, là aussi, de réussir à comprendre le point de vue de l’autre, à se « décentrer » en quelque sorte.
L’écrivain Bernard Weber, dans son livre à succès intitulé « Les fourmis », expose cette phrase qui résume bien cette idée de « filtres » et la déperdition et déformation de l’information qui en résulte :
« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis vraiment, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre, ce que vous comprenez, ce que vous retenez et ce que vous faites de ce message, il y a finalement un très grand nombre de possibilités de ne pas se comprendre. »
Éviter les ambiguïtés du langage permet d’améliorer sa communication
Même quand nous parlons ensemble la même langue, le sens des mots peut différer d’une personne à une autre ou d’une génération à une autre. Les mots eux-mêmes peuvent être « polysémiques », c’est-à-dire comporter plusieurs interprétations possibles. Pensons à vérifier que nous comprenons bien de la même façon ce qui est dit. Une partie de ce qui est appelé « malentendus » de la communication sont souvent des « mal-dits ».
Par ailleurs, notre discours est aussi émaillé de « non-dits », soit par inadvertance, par négligence, par désir d’aller vite ou encore par peur de dire les choses de manière trop directe. Si entendre ce qui n’est pas dit explicitement est une qualité évidente d’un bon communicant, cela demande néanmoins de vérifier sa compréhension, de questionner pour obtenir des précisions et éclaircissements, de reformuler le point de vue d’autrui pour éviter de trop extrapoler et lever ainsi les ambiguïtés.
Autre cause d’ambivalence, les incohérences observables entre ce qui est dit et ce qui est fait, ou entre ce qui est exprimé sur le fond et la façon dont cela est exprimé sur la forme. C’est ce qu’on appelle les « incongruences ». Si votre responsable vous demande de respecter certaines règles communes et que vous observez qu’il ne les respecte pas lui-même, vous êtes évidemment moins enclin à suivre ses directives. De même, si quelqu’un vous exprime un compliment du bout des lèvres et avec des formules toutes faites, vous peinez à croire dans sa sincérité, c’est une réaction logique. Harmoniser le verbal et le non-verbal, le discours et les actes, le fond et la forme, sont des gages d’efficacité pour améliorer sa communication.
La différence de cadre de référence des interlocuteurs
Autres freins à la bonne compréhension, certains obstacles à la communication viennent des différences de culture, d’éducation, de croyances, de systèmes de valeurs. Nos cultures d’origine déterminent ce qui est bien ou mal, les comportements acceptables ou non en société, autorisés ou interdits. Certains sujets ne peuvent pas être abordés trop vite ou en public, certains sentiments ne peuvent s’exprimer de la même manière, etc. La culture agit comme un filtre inconscient, un « non-dit » à l’intérieur de nous qui influence notre mode d’accès à l’environnement et notre décryptage des évènements. Les français râlent parfois sur les italiens qui, à leur tour, peuvent râler sur les allemands qui vont râler sur les français, et réciproquement ! Chacun en raison de leur filtre culturel.
Cet aspect de la communication « interculturelle » est à la fois complexe, périlleux et passionnant !
Sans même parler des différences de langues ou de religions, les différences d’âge, de niveaux de langage (champ lexical, jargons…), de connaissances et d’expertises peuvent rendre difficile la compréhension mutuelle. Chaque personne ayant tendance à s’enfermer dans sa vision du monde et à préférer le contact avec celles et ceux qui lui ressemblent, qui sont « sur la même longueur d’onde ».
Les conflits entre métiers et services au sein d’un projet transverse sont souvent les révélateurs de cet obstacle à la communication. Les ingénieurs de la production ne comprennent pas ce qu’ils considèrent comme des tracasseries de la part de la direction administrative et financière et ces derniers la pointent la « mauvaise volonté » des premiers. Peu, au sein de l’entreprise, arrivent à développer une vision « systémique » des situations, qui intègre une diversité de cadres de référence.
Les biais cognitifs
Les « biais cognitifs » sont des distorsions dans le traitement de l’information dues à des raccourcis de raisonnement. Ces biais ne sont généralement pas conscients. Ils créent des erreurs du jugement, altèrent notre logique et influencent nos prises de décision. Certains chercheurs en ont recensé près de 200 !
En voici quelques-uns qui peuvent parasiter l’échange et empêcher d’améliorer sa communication :
Le biais de généralisation
Chaque fois que nous sommes confrontés à des expériences considérées comme similaires, nous assimilons la nouvelle expérience à des moments déjà vécus, pour pouvoir la traiter plus facilement en la classant dans une catégorie connue. C’est un filtre par lequel une expérience spécifique en vient à représenter toute une gamme d’expériences plus large. Ce processus est à la base de tout apprentissage. C’est de cette manière que nous construisons nos croyances sur la vie, les autres, nous-même… Ces généralisations sont aussi le fondement de nos préjugés, du mécanisme d’étiquetage des personnes et des groupes, de nos stéréotypes, etc.
Le biais d’ancrage
Plus une expérience a été vécue intensément, plus notre mémoire en garde la trace sur tous les plans (sons, images, sensations, émotions associées, etc.). Nos émotions sont en quelque sorte « des ancres jetées dans le passé » et stockées dans notre cerveau. Ceci explique en partie nos peurs irraisonnées (phobie des chiens, du vide…) autant que certaines de nos addictions (par la mémoire du plaisir). Il se peut par exemple que l’historique de la relation avec un collègue soit une « ancre » si forte (positive ou négative) qu’elle nous fasse perdre toute objectivité de jugement dans l’instant présent.
L’effet de Halo
L’effet de Halo ou « effet de notoriété » est un effet d’amalgame, de généralisation, de confusion entre les parties et le tout qu’elles composent. Lorsque nous jugeons positivement ou négativement une seule caractéristique d’une personne (un groupe, une entreprise…), nous avons tendance à étendre ce jugement à toutes les autres caractéristiques, même si nous ne les connaissons pas.
Le biais de confirmation
Il consiste à rechercher et/ou à valoriser les informations qui confirment notre hypothèse de départ, notre « préjugé », et à délaisser les autres. Ce biais oriente aussi notre interprétation des informations, nous leur donnons un sens qui correspond à ce que nous cherchons à prouver.
Beaucoup d’autres « biais » diminuent l’objectivité de notre communication. Nous pouvons citer l’argument d’autorité, le conformisme social, les procès d’intention, etc.
Les attitudes inappropriées au contexte
Certaines de nos attitudes relationnelles habituelles peuvent devenir de véritables et puissants obstacles à l’amélioration de sa communication si elles sont inadaptées au contexte, particulièrement lorsqu’il y a beaucoup d’émotions dans l’échange.
De même, ces attitudes peuvent être contradictoire avec notre but conscient. Par exemple, nous souhaitons aider un collaborateur à gagner en confiance et en autonomie dans ses missions mais, chaque fois qu’il rencontre une difficulté, nous lui disons précisément quoi faire, sous forme de conseils bienveillants naturellement ! Cela renforce éventuellement notre prestige et notre assurance personnelle, mais risque d’augmenter sa dépendance et non son autonomie.
C’est donc une communication paradoxale et inappropriée.
Thomas Gordon a recensé dans ce registre « 12 obstacles à la communication » pouvant bloquer les échanges :
1) Donner des ordres, commander
2) Menacer
3) Faire la morale, culpabiliser
4) Donner des solutions, des conseils
5) Chercher à convaincre, à persuader
6) Porter un jugement, critiquer
7) Faire des louanges, complimenter
8) Humilier, ridiculiser
9) Diagnostiquer, interpréter
10) Rassurer, consoler
11) Poser des questions, mener l’enquête
12) Détourner l’attention, esquiver, humour sarcastique
Comment contourner tous ces obstacles à la bonne communication ?
- Prendre en compte et minimiser les différents « bruits » de l’environnement (bon moment, bon endroit, bonnes conditions, clarification des rôles et des enjeux…).
- Prendre conscience de nos filtres de la perception et les intégrer dans notre communication.
- Accepter la différence de cadre de référence et s’entrainer à adopter un point de vue différent du sien (théâtre, jeu de rôle, avocat du diable, pratique de la décentration…).
- Utiliser un langage adapté et dénoté, éviter les jargons.
- Harmoniser le fond et la forme d’un discours pour gagner en cohérence et en authenticité.
- Ecouter davantage et pratiquer les différentes techniques de reformulation.
- Repérer nos principaux biais cognitifs et observer leur influence sur la relation.
- Être attentif aux 12 obstacles de Gordon pour garder une attitude appropriée à la situation et en lien avec notre véritable intention.
- Guider notre interlocuteur pour l’aider lui aussi à éviter les principaux pièges.
- Apprendre à « méta-communiquer », c’est-à-dire à communiquer sur notre manière de communiquer, pour prendre de la hauteur et résoudre les problèmes au bon niveau.