Les conflits font partie intégrante de la vie, tant dans nos relations personnelles que professionnelles. Les différences de perspectives, d’intérêts et de valeurs sont inévitables, les conflits sont de ce fait incontournables dans nos interactions quotidiennes. Les stratégies de résolution de conflit jouent un rôle essentiel pour maintenir l’harmonie et favoriser des relations constructives et durables.
Chaque situation étant unique (personnes impliquées, contexte, historique…), les stratégies de gestion des conflits sont plurielles et différentes. Cet article explorera ces différentes approches, des plus compétitives et coercitives aux plus collaboratives. Comment ces stratégies peuvent-elles être adaptées en fonction de la nature du conflit et des intentions des parties prenantes ?
En comprenant mieux ces approches, nous pourrons observer les compétences essentielles pour construire une communication ouverte et empathique, favorisant ainsi des solutions durables et mutuellement satisfaisantes.
L’affrontement
Lorsqu’il n’y a pas de volonté réciproque de résolution constructive et collaborative, et que l’un des deux protagonistes du conflit souhaite « gagner » tout seul, la négociation n’est pas vraiment possible. Un rapport de force est établi et l’affrontement semble inévitable. En effet, chercher à négocier « gagnant-gagnant » avec quelqu’un qui veut juste votre peau est une attitude quelque peu… suicidaire !
Si l’affrontement n’est évidemment pas la stratégie la plus recommandée, il se peut malheureusement que vous n’ayez pas le choix, mieux vaut donc s’y préparer, car partir au combat sans préparation est une importante prise de risque.
Déjà, il convient d’obtenir des informations sur les forces en présence :
- Quelles sont mes connaissances sur mon « adversaire » ?
- Quelles sont ses réelles intentions ?
- Quelles stratégies risque-t-il d’utiliser à mon encontre ?
- Ai-je objectivement une chance de gagner ?
- Le droit et la règle sont-ils de mon côté ?
- Suis-je du côté de l’intérêt général ?
- Quels arguments logiques et quels faits incontestables puis-je faire valoir ?
- Ai-je des alliés, des personnes prêtes à me soutenir ?
- A qui puis-je réellement faire confiance ?
- Pourrai-je bénéficier du « support aérien » en cas de besoin ? (= aurai-je le support de ma hiérarchie !).
D’autres réponses sont nécessaires dans la préparation :
- Quel est concrètement mon objectif ?
- Quel est mon besoin prioritaire dans la situation ?
- Pourquoi répondre à l’affrontement me parait-il plus pragmatique que de chercher à éviter le conflit ?
- Quelles conséquences possibles à court et long termes ? Puis-je les assumer ?
- Quelles sont mes limites en termes d’éthique ? (car tous les coups ne sont pas permis).
Une fois l’affrontement lancé, il faut réussir à garder son calme, à décrypter in situ la stratégie de son adversaire et éviter de trop montrer ses faiblesses, pour ne pas en faire des talons d’Achille.
Lorsque vous arrivez à l’étape où vous pourriez bientôt « gagner », soyez grand seigneur : tendez à nouveau la main pour proposer de basculer vers une méthode de résolution par la négociation. Si votre interlocuteur accepte (parce qu’il a pris conscience qu’il ne pourra pas gagner tout seul), vous lui permettez ainsi de sauver la face, et vous montrez à tous que vous ne souhaitez pas profiter de votre avantage ou abuser de votre pouvoir, que vous préférez les solutions collaboratives.
S’il n’accepte pas, allez au bout du processus et expliquez ensuite que, pour une prochaine situation de désaccord, vous préfèreriez utiliser une autre méthode, basée sur la communication et la négociation.
Bien sûr, le point noir de la stratégie d’affrontement est qu’elle peut engendrer une rupture des liens de confiance, beaucoup de ressentiment pour le « perdant », une relation qui risque d’avoir du mal à se relancer, et parfois un désir de vengeance, selon les moyens à disposition. Pour celui qui « gagne », un sentiment de puissance peut s’installer et l’envie peut-être de continuer à résoudre les conflits de cette manière, créant un cercle vicieux de relations basées sur le rapport de force.
L’évitement
L’évitement des conflits est une stratégie fréquemment adoptée dans le monde professionnel. Cette approche peut être motivée par divers facteurs : la peur, le manque de courage ou même une forme de « pensée magique », qui consiste à croire que les problèmes se résoudront d’eux-mêmes au fil du temps. Bien que cette stratégie puisse parfois fonctionner, elle est souvent risquée et rarement efficace à long terme.
L’évitement peut être considéré comme une stratégie de fuite ou de dérobade. Il s’agit d’un mécanisme de protection qui vise à maintenir un semblant de sécurité. Cependant, cette posture peut être perçue comme un déni de réalité, ce qui peut entraîner des conséquences néfastes au sein d’une organisation.
Lorsque les problèmes ne sont pas clairement identifiés, que les désaccords ne sont pas exprimés et que les conflits demeurent larvés, une ambiance délétère peut s’installer. Cette situation est souvent interprétée par les collaborateurs comme un manque de courage de la part du management, ce qui peut rapidement éroder la confiance et démobiliser les équipes.
Opter pour l’évitement comme stratégie principale ne fait que repousser les problèmes, sans les résoudre. Cela peut entraîner une détérioration progressive de la situation, où chacun s’accommode plus ou moins des dysfonctionnements.
Il existe des situations où l’évitement peut néanmoins être une stratégie réaliste, notamment lorsque les parties en conflit ne sont pas disposées à collaborer ou lorsque le rapport de force n’est pas favorable. Dans ces cas, l’évitement peut servir à instaurer une « coexistence pacifique » temporaire, en attendant que les conditions pour une résolution coopérative soient réunies.
Il est donc crucial de peser soigneusement les avantages et les inconvénients de l’évitement comme stratégie de gestion des conflits, en s’assurant que cette approche n’est pas adoptée pour de mauvaises raisons, mais qu’elle est bien est le résultat d’une analyse réfléchie des circonstances.
Le recours à une autorité ou à un arbitrage
Certains conflits ne peuvent être résolus directement par les protagonistes. Soit par manque de volonté ou difficulté de coopérer, soit parce que la décision doit émaner d’une autorité compétente.
Par exemple, lorsqu’il y a un désaccord profond entre deux responsables du même niveau hiérarchique, sur un conflit de priorisation des actions, que les deux ont raison de leur point de vue et que personne ne veut lâcher sa solution idéale pour envisager un compromis.
Dans ce cas, le recours à un arbitrage par une autorité compétente peut être la solution. Il faut évidemment que cette personne ou cette instance soit légitime et reconnue par les deux parties en conflit.
La personne est extérieure au conflit mais a le pouvoir de décider, de trancher, d’arbitrer, après avoir écouté les différents arguments et positions des uns et des autres.
La demande d’arbitrage peut aussi être effectuée lorsque l’une des deux parties en conflit considère que l’autre ne respecte pas les règles collectives, tout en n’ayant pas les moyens de les lui imposer. Dans ce cas, l’arbitrage fait office de recadrage (au sens de « remettre à l’intérieur du cadre »).
Attention, dans ce type de situation, à ne pas enclencher à la place un processus de médiation, ce qui serait vécu comme particulièrement insupportable pour la personne qui respecte la règle établie. Elle aurait l’impression d’être mise au même niveau que la personne qui justement ne respecte pas la règle, ce qui est une forme d’injustice.
Une autorité hiérarchique qui refuse de jouer son rôle d’arbitre quand cela est nécessaire perd sa légitimité et sa crédibilité.
Quand la voix hiérarchique ne permet pas de trouver une solution, d’autres recours existent, comme faire appel à l’autorité judiciaire (droit du travail, droit commercial, tribunal administratif…), qui prendra une décision fondée sur le droit et son interprétation (jurisprudence).
L’arbitrage, pour avoir un effet durable, doit être réalisé après un temps d’écoute et d’analyse, puis être rendu dans un esprit de respect du droit et de prise en compte de l’intérêt général.
La médiation
Lorsque la volonté de coopérer est présente mais que la communication est difficile, ou les émotions à fleur de peau, le recours à une aide extérieure, pour faciliter les rouages de cette communication, est parfois nécessaire. C’est le but principal de la médiation de conflit.
Le médiateur va aider à sortir des antagonismes frontaux, va permettre à chacun d’exprimer ses arguments et ses besoins de manière acceptable pour l’autre, tout en prenant du recul sur la situation.
Il va inviter chaque protagoniste à écouter et, si possible, à comprendre le point de vue de son interlocuteur, pour envisager des solutions qui prennent en compte les besoins réciproques.
Le médiateur pose un cadre de communication efficace et constructive et le fait respecter. Il connait le fonctionnement des relations humaines, les pièges et obstacles à la communication, l’importance des émotions, les mécanismes de défense sous stress, les techniques d’écoute, d’affirmation non agressive, de recherche de solutions, de créativité, de prise de décision…
Sa posture est neutre et impartiale, il ne prend pas partie, condition sine qua non pour que les protagonistes en conflit lui accordent sa confiance. Il est principalement là pour faciliter, accompagner et réguler les échanges.
Il peut parfois proposer des solutions, quand les parties prenantes ne voient pas d’issues possibles, afin de débloquer certaines situations. Il le fera soit au démarrage du processus de recherche de solutions, pour amorcer la réflexion ; soit en fin de parcours, pour ouvrir une porte vers la résolution, en faisant attention à bien prendre en compte les besoins respectifs.
Nous détaillerons dans un autre article le processus complet de médiation.
La négociation « gagnant-gagnant »
Quand il y a une volonté réciproque de trouver une solution constructive ensemble, le processus de négociation « gagnant-gagnant » (ou « sans perdant ») est possible et souhaitable.
Il aboutira, selon les cas :
– à un compromis, basé sur des concessions réciproques ;
– à un consensus, c’est-à-dire l’accord et le consentement envers une solution acceptable par tous ;
– à la co-construction d’une solution concertée, par l’écoute mutuelle, l’expression des besoins de chacun, la définition d’un objectif commun, la recherche créative et collaborative de solutions, la prise de décision coopérative, la mise en place et le suivi d’un plan d’action collectif.
Cette méthode de co-construction est détaillée dans l’article suivant sur les 6 étapes de l’approche Gordon dans la résolution des conflits.
Bien entendu, une autre stratégie pour résoudre les conflits consiste à les prévenir en amont. Même si tous les conflits ne peuvent être évités (ce qui d’ailleurs n’est pas forcément souhaitable, les conflits pouvant être des opportunités de croissance), certains peuvent être prévenus par quelques règles, attitudes et process simples.
Quelques méthodes de prévention des conflits
- La mise en place d’un cadre de travail collectif explicite (= les règles sont claires et chacun sait ce qu’il a à faire).
- La bonne circulation de l’information (= ni trop, ni trop peu, avec les bons outils).
- La mise en place et la pérennisation de pratiques d’expression, d’écoute, de dialogue et de coopération.
- L’organisation de moments pour relâcher la pression, pour « externaliser » les tensions et réguler les problèmes ensemble.
- Le repérage des signes avant-coureurs des tensions, pour les désamorcer rapidement.
- Le contentement préventif des besoins de chacun (sécurité, reconnaissance, sens…).
- L’apprentissage progressif de la gestion des émotions et des frustrations (reconnaitre, comprendre, exprimer, relativiser, distancier, prioriser…).
- L’apprentissage préventif des stratégies constructives de résolution de conflit (comme la méthode en 6 étapes de l’approche Gordon).
L’observation montre que les méthodes traditionnelles de gestion des conflits, telles que l’affrontement compétitif, le rapport de force et l’évitement, restent prédominantes. Toutefois, ces approches se révèlent souvent inefficaces pour parvenir à une résolution durable des conflits tout en préservant un environnement de travail basé sur la confiance et la collaboration.
Parallèlement, on assiste à une judiciarisation croissante des conflits. Cette tendance à solliciter une autorité externe pour arbitrer les désaccords, même mineurs, détourne les parties du débat démocratique et de la discussion ouverte, tout en engorgeant inutilement le système judiciaire.
L’instauration de processus collaboratifs représente un défi de taille. Elle exige une remise en question de nos mécanismes de défense instinctifs, comme la lutte, la fuite ou le repli. Cela nécessite également le développement d’une intention de résolution constructive, d’une meilleure conscience de soi et des autres, ainsi que d’une maîtrise accrue des outils de communication.
Les stratégies axées sur la négociation et la médiation, appuyées par des compétences en communication telles que l’écoute active et l’assertivité, offrent des voies prometteuses. Des méthodes collaboratives de résolution de problèmes, comme l’approche Gordon, peuvent non seulement aider à restaurer le dialogue, mais aussi redonner aux conflits leur rôle constructif en matière de développement de la compréhension mutuelle et de recherche de solutions créatives.
Pour aller plus loin, lisez aussi nos articles :
- Les stratégies de résolution de conflit quand les relations s'embrasent - Gestion des conflits au travail, pourquoi on s’y prend généralement si mal ? - Conflits au travail : en quoi c’est aussi une bonne chose ? Pour passer à l'action, rejoignez la prochaine session de notre programme Communication Efficace. Abonnez-vous à notre page Linkedin pour ne pas manquer les autres articles de cette série à paraître.