Dans le tourbillon de la divergence, nous sommes nombreux à nous enfermer dans des disputes stériles et à nous laisser emporter dans une escalade conflictuelle dont il devient difficile de se désengager.
Joutes verbales, rapports de force, jeux d’influence, alliances fluctuantes, coexistence pacifique, recours à un arbitrage, à une médiation, négociation « gagnant-gagnant »… Autant de stratégies différentes avec des résultats disparates.
Comment dès lors briser les chaînes de la discorde ? Comment transcender les désaccords pour en faire des opportunités de changement et d’amélioration ? Comment réussir à métamorphoser les conflits en collaboration et à restaurer l’harmonie au sein des équipes ?
Nous vous proposons une série d’articles sur la gestion des conflits pour mieux les décrypter, apprendre à les désamorcer, mais aussi savoir les prendre en compte pour augmenter la compréhension mutuelle et l’efficacité relationnelle.
Tout d’abord, après avoir esquissé une typologie des conflits, nous aborderons les stratégies de résolution existantes, avec leurs avantages et leurs inconvénients.
Puis, nous présenterons la méthode sans perdant en 6 étapes, mise en forme par Thomas Gordon et enseignée dans le monde entier depuis plusieurs décennies. Cette méthode, qui a prouvé son efficacité, est une clé pour réussir à résoudre les conflits de manière collaborative.
Nous verrons enfin les principaux obstacles à une résolution constructive des tensions, en comprenant le rôle des émotions comme la colère et la peur, et nous repérerons les mécanismes de l’escalade conflictuelle afin de la prévenir.
Les différents types de conflits interpersonnels en milieu professionnel
Combat, querelle, lutte, opposition, confrontation, rivalité, différend, désaccord, divergence… Le conflit a beaucoup de synonymes qui tous amènent l’idée de tension, de frottement, de blocage de la relation, voire de choc ou de rupture.
Le conflit est généralement vecteur d’émotions fortes comme la colère, la frustration, le ressentiment, la rancune… et peut concentrer beaucoup d’agressivité, verbale ou physique.
Pour autant, est-il possible de vivre des relations professionnelles sans aucun conflit, aucun désaccord ?
Est-ce réaliste et est-ce même souhaitable ?
Car les divergences d’opinions sont en partie inéluctables et souvent riches pour parvenir à mieux se comprendre, à développer une collaboration productive et à générer des solutions innovantes aux problèmes rencontrés.
Pour illustrer cette réflexion, regardons l’idéogramme chinois censé représenter la « crise », Wei Ji :
Le premier caractère, Wei, exprime le danger, la menace, l’épée de Damoclès au-dessus de la tête, donc la crainte de ce qui pourrait arriver. Le deuxième caractère, Ji, met l’accent sur l’occasion à saisir, les possibilités et opportunités offertes, le cadeau caché dans chaque situation, permettant de dépasser ses peurs et d’aller de l’avant.
C’est une vision non-binaire des problèmes, qui permet de recadrer constructivement les situations conflictuelles en regardant les différents aspects existants.
Voyons à présent les différents types de conflits auxquels nous sommes le plus souvent confrontés :
- Les désaccords sur le fond
- Les désaccords sur la forme
- Les conflits de besoins
- Les conflits de valeurs
- Les malentendus de la communication
- L’historique de la relation
- Les luttes de pouvoir
- La malveillance
Les désaccords sur le fond
Ils peuvent concerner les objectifs poursuivis, les priorités, les décisions, le projet collectif lui-même.
Un désaccord « sur le fond » est en soi important, il peut créer un blocage, une absence de motivation et de fortes résistances.
Ils se résolvent généralement par la discussion, l’échange de points de vue et l’utilisation d’arguments logiques permettant de convaincre du bien-fondé de la décision prise.
Parfois, la résolution peut consister en une rupture de la collaboration, si la divergence est profonde. Ainsi, un chef de service qui n’est pas d’accord avec la nouvelle politique de son entreprise (réorganisation des missions, changement de positionnement, évolution des compétences…), et qui n’est pas convaincu par les explications données par sa direction, peut décider d’engager une mobilité personnelle pour trouver un projet professionnel qui lui corresponde davantage.
L’organisation hiérarchique d’une entreprise fait que plus on monte dans l’organigramme, plus le pouvoir de décision est important, c’est clairement la raison d’être d’une répartition différenciée des responsabilités. Ce faisant, beaucoup de désaccords sur le fond se « résolvent » en fait par l’imposition des choix venus d’en haut et l’acceptation résignée des décisions par ceux d’en bas, parce que… c’est comme ça ! Il y a ceux qui décident et ceux qui exécutent les décisions ! Le corollaire de cette posture, si elle est trop récurrente, est la possible perte d’engagement des collaborateurs.
Expliquer la raison des choix est donc essentiel. Écouter les divergences d’opinions et comprendre leur fondement est aussi une attitude sensée, notamment parce que certains avis différents peuvent faire objectivement avancer l’équipe et le projet.
Les désaccords sur la forme
Nous appelons désaccords « sur la forme », ceux qui concernent les méthodes employées, les stratégies de mise en œuvre, les questions d’organisation du travail ou encore les moyens alloués pour réaliser les objectifs. Ici, le désaccord n’est donc pas sur la finalité, le but à atteindre, mais sur le chemin envisagé pour y arriver.
Plus les employés sont expérimentés, plus ils s’attendent à être sollicités sur les moyens et méthodes pour réaliser leurs missions. Ils souhaitent être concertés, consultés, participer à la mise en œuvre en donnant leur avis sur les meilleures stratégies d’après eux. Ceci est particulièrement sensible quand, en plus, ils n’ont pas participé aux décisions, ou pire, quand ils ne sont pas d’accord avec celles-ci. Si un employé ne comprend pas une décision, ou n’est pas d’accord avec, et qu’en plus il n’a rien à dire sur les modalités de mise en œuvre, il y a fort à parier que les deux attitudes qu’il risque alors d’adopter sont soit la soumission désabusée, soit la rébellion plus ou moins déclarée.
Les conflits de travail sur les méthodes, l’organisation et les moyens sont assez fréquents. Ils se résolvent là encore principalement par le raisonnement logique. Quelles sont les méthodes de travail les plus efficaces ? Les plus appropriées ? Les plus adaptées ? Ce sont a priori celles qui prennent en compte différents critères, en maximisant les avantages et en minimisant les inconvénients. Celles qui vont nous permettre de gagner sur les différents tableaux : respect des délais, respect de la réglementation et des process établis, qualité du travail réalisé, gestion efficiente des coûts, maintien d’une bonne ambiance et de la cohésion de l’équipe…
Il n’y a pas de réponse idéale, c’est-à-dire sans aucun défaut. C’est une illusion que chacun doit abandonner avant de chercher des solutions.
Il est à noter que certains « désaccords sur la forme » sont parfois des écrans de fumée. Cela signifie qu’une personne en désaccord par exemple sur une décision prise (désaccord sur le fond) mais qui n’a pas son mot à dire sur celle-ci, peut surjouer un désaccord sur la forme, pour compenser et récupérer un peu de pouvoir, ce qui est de bonne guerre. Savoir choisir ses combats et être parfois capable de lâcher du lest au bon moment est une attitude raisonnable et stratégique à la fois.
Les conflits de besoins
Avant d’aborder ce type de conflit, il est utile de revenir sur la notion de « besoin », qui peut être vaste et ambiguë.
Quels sont nos besoins essentiels au travail ?
- Avoir des conditions matérielles de travail agréables et confortables ?
- Avoir un statut sécurisé ?
- Être rassuré sur l’équité de traitement au sein de l’équipe ?
- Savoir précisément ce que l’on attend de nous et ainsi contrôler davantage l’incertitude des situations ?
- Être en confiance avec ses collègues et sa hiérarchie, faire partie d’une équipe solidaire ?
- Vivre des relations positives, constructives, collaboratives, d’entraide ?
- Avoir de l’autonomie dans ses missions ?
- Pouvoir prendre des décisions et gérer son temps ?
- Se sentir reconnu et valorisé dans son rôle et grâce à ses compétences ?
- Obtenir des résultats, réussir à atteindre des objectifs, relever des défis stimulants ?
- Avoir le sentiment d’évoluer, de progresser, d’apprendre, de se dépasser, de pouvoir exprimer son potentiel ?
- Pouvoir donner du sens à son travail et se sentir utile socialement, transmettre son savoir-faire ?
Chacun, à un moment de son évolution professionnelle, vit intrinsèquement un ou plusieurs de ces besoins. Les besoins insatisfaits créent de la frustration, qui peut à son tour générer des tensions et amener à des relations conflictuelles avec la hiérarchie ou les collègues. Lorsqu’une personne a besoin d’obtenir davantage d’autonomie dans la réalisation de ses missions, et que le mode de management ou la fonction elle-même ne le permet pas, l’insatisfaction peut rapidement être génératrice de conflit. Par ailleurs, si le traitement du personnel apparaît injuste aux yeux d’une personne pour qui le besoin d’équité est prépondérant, le conflit est proche, clairement exprimé ou « larvé », s’exprimant de manière détournée.
Il en va de même pour le « télescopage de besoins ». Ce terme fait référence à une situation où deux ou plusieurs besoins concurrents ou contradictoires entrent en conflit et deviennent difficiles à satisfaire simultanément. Un manager peut être confronté à un télescopage de besoins entre son besoin d’être perçu comme un leader fort et autoritaire et son besoin de maintenir des relations positives avec ses employés. On parle ici de « conflit interne », car c’est un conflit qui se vit à l’intérieur de la personne, un problème de cohérence interne.
Un autre type de télescopage de besoins peut survenir entre les valeurs affichées d’une entreprise au sujet du bien-être au travail, de la « bienveillance » relationnelle et managériale, et l’obligation de rester compétitive face à un marché très concurrentiel, et donc de mettre la pression sur les employés concernant les délais et la qualité, sans pour autant y adjoindre tous les moyens nécessaires. Cette apparente contradiction est alors vécue comme une profonde incohérence qui crée les conditions d’une situation conflictuelle.
Les conflits de besoin sont traités de manière particulièrement efficace par l’approche Gordon dite de « résolution de conflit sans perdant », une méthode en 6 étapes qui sera détaillée dans un autre article.
Les conflits de valeurs
Un « conflit de valeurs » est un type de conflit qui survient lorsque les croyances, les principes, les normes ou les convictions fondamentales de deux individus ou groupes sont en opposition.
Une « valeur » correspond à ce qui est vraiment important pour un individu ou un groupe, ce qui est vraiment digne d’intérêt, estimable, utile, désirable. Nos valeurs se construisent au fur et à mesure de nos expériences de vie et sont aussi transmises par l’éducation et la culture.
Elles cristallisent et synthétisent avec des mots-clés nos croyances personnelles sur ce qui bien, bon, beau, juste, vrai…
Nous avons tous une « échelle de valeurs », qui peut être fluctuante au cours de notre vie, avec des valeurs que nous classons (consciemment ou inconsciemment) en fonction de leur importance relative à nos yeux. C’est à la fois une hiérarchie et une synergie entre nos différentes valeurs qui composent un équilibre.
Quelques valeurs pouvant être activées au travail : honnêteté, droiture, ordre, discipline, stabilité, justice, égalité, harmonie, entraide, liberté, indépendance, autonomie, courage, découverte, curiosité, compétence, réussite, efficacité, responsabilité, engagement, vérité, authenticité, respect…
Ces mots-concepts (ou « mots-valises ») sont le plus souvent sujets à interprétation, ce qui crée des malentendus de la communication, liés notamment à nos « échelles de valeurs » différenciées.
Si, lors d’une situation professionnelle, les valeurs-clés en jeu d’une personne sont l’honnêteté, la droiture, le respect du cadre établi, et que l’interlocuteur a comme valeurs principales la réussite, le succès, la performance, l’atteinte du but, et ce quelle que soit la manière d’y arriver, il y a de forts risques que le conflit survienne. De même, demander à des employés qui ont comme valeurs-clés la vérité et l’authenticité de mentir à des clients ou des collègues va les mettre dans une situation de conflit éthique et de mal-être au travail, qui peut avoir de fortes répercussions sur leur motivation et sur leur santé.
La difficulté des conflits de valeurs réside dans le fait que les valeurs sont des blocs qui nous structurent, donnent du sens à nos comportements et créent une cohérence interne entre nos pensées, nos paroles et nos actes. Elles sont par conséquent fortement ancrées en nous, assez fixes, voire rigides. Car même si elles évoluent avec le temps, nous ne pouvons en changer constamment, au risque de perdre la stabilité de notre identité.
Par ailleurs, nous portons souvent des valeurs sans savoir précisément d’où elles proviennent. Lorsqu’il y a « collision » de valeurs, le risque est de vouloir imposer sa vérité à l’autre, de chercher à le changer, à lui faire adopter nos valeurs clés, notre échelle de valeurs. Bien sûr, c’est souvent cause perdue, car l’interlocuteur est de son côté souvent persuadé aussi que ses propres valeurs sont plus importantes. Le changement d’échelle de valeurs de l’un ou de l’autre est toujours possible lors d’une situation de conflit, mais cela reste finalement assez rare.
La plupart du temps, le conflit de valeur tourne en rond, reste stérile, improductif, chacun restant sur sa position, sur ce qui est vrai et important de son point de vue. L’une des possibilités est d’arriver à s’accorder sur des valeurs communes, notamment celles de l’entreprise ou du projet d’équipe s’il a été clairement défini. L’autre stratégie consiste à ne pas rester au niveau de la « valeur » (sorte de bulle cognitive conceptuelle et affective), mais de redescendre au niveau des comportements (comment la valeur se concrétise-t-elle en matière de comportements réels et observables ?). Il s’agit ainsi non plus d’être dans une bataille de valeurs, mais d’arriver à s’accorder sur des manifestations acceptables de celles-ci vis-à-vis de l’autre personne avec qui nous devons travailler. Quels comportements sont problématiques ? Quels besoins sont insatisfaits ? Quels sont les effets concrets sur moi, mon temps, mon énergie, le travail d’équipe, la relation… ? On peut alors envisager de satisfaire les valeurs de chacun en trouvant des comportements acceptables pour les deux protagonistes en conflit.
Les malentendus de la communication
Beaucoup de conflits résultent de malentendus de la communication. Des mauvaises interprétations, des procès d’intention, des extrapolations de choses qui n’ont pas été clairement exprimées… Chacun se fabrique son film, sans vérifier les véritables intentions de l’autre, et ainsi fait monter une mayonnaise conflictuelle qui n’avait souvent pas lieu d’être.
Dans les équipes où les collègues parlent peu ou pas des problèmes relationnels, mais « n’en pensent pas moins », les non-dits peuvent devenir rapidement destructeurs. Le manque de clarté dans les demandes ou les refus, les préjugés que nous avons sur les individus ou les autres services, la mauvaise interprétation de la communication non verbale (mimiques, intonations, postures, gestuelle…), les différences culturelles dans la manière de se dire les choses, le sens que l’on donne aux mots, les émotions parasites qui brouillent la bonne réception des informations, le manque d’écoute véritable ou une écoute sélective, enfin le manque de rétroaction, de « métacommunication », sont autant d’obstacles à une communication efficace et peuvent générer des conflits.
Ce sont souvent davantage des maladresses que le résultat d’une volonté, mais celles-ci peuvent être si répétitives qu’elles finissent par nuire durablement à la qualité des relations et former des conflits latents, omniprésents, qui vont éclater sporadiquement et se manifester alors de manière aiguë, sans être véritablement et durablement résolus.
Une communication proactive avec des instances de régulation pour parler ouvertement des problèmes est un bon moyen de lever préventivement un bon nombre de ces malentendus.
L’acceptation des points de vue divergents fait aussi partie de la solution, tout en faisant en sorte de maintenir les conflits au niveau professionnel et non personnel. Aucune communication n’est parfaite et nous interprétons constamment les situations et les attitudes de nos interlocuteurs. Accepter que nous puissions nous tromper, surtout lorsque nous interprétons les intentions des autres, et engager des mécanismes de vérification permet d’éviter des engrenages d’incompréhension et des relations qui s’enlisent à partir de pas grand-chose finalement.
L’historique de la relation
Les conflits d’aujourd’hui et de demain sont bien souvent le résultat des conflits d’hier, non ou mal résolus.
Une situation-problème non ou mal traitée sur le plan relationnel peut amener progressivement son pourrissement, avec le risque d’une radicalisation des positions.
Un « historique » de la relation s’installe alors, fait de préjugés, de ressentiment, de rancune, de désir de revanche et même parfois de vengeance. Le conflit glisse progressivement vers un « conflit personnel », les faits à l’origine de la situation comptant de moins en moins. Le conflit se trouve enraciné dans le passé et chaque nouvelle interaction peut être l’occasion de le réactiver ou de l’empirer.
Un schéma répétitif peut s’installer entre les protagonistes, qui se trouvent enfermés dans une communication dysfonctionnelle. Ce qui s’est mal déroulé dans le passé entraîne des conséquences sur le présent, car la relation de confiance peut être brisée, laissant place à un a priori de méfiance, voire de défiance.
La difficulté est décuplée quand chaque partie prenante du conflit détermine une cause première différente. Ainsi, un collaborateur va considérer que le point de départ du conflit vient du jour où on lui a retiré une mission qu’il appréciait, sans rien lui expliquer. Mais celui qui est à l’origine de cette décision peut considérer que la genèse du problème est ailleurs, ou avant, par exemple lorsque la personne n’a pas voulu intégrer une modification souhaitée. Chacun « ponctue » à sa façon la chronologie des évènements et l’attribution des responsabilités, rendant la discussion presque impossible.
Plus le temps passe, plus les émotions et préjugés se figent, la coopération en vue d’une solution partagée devient de plus en plus difficile. Il faut arriver à s’écouter, évacuer les ressentis accumulés, accepter les différences d’interprétation de la situation et décider de commencer une nouvelle collaboration à partir du présent. Ce sont souvent des conflits dont la résolution est généralement facilitée par l’intervention d’un médiateur, pour aider à renouer les fils de la communication.
Les luttes de pouvoir
Dans une organisation, il se peut qu’une concurrence s’engage pour contrôler les ressources, pour influencer les décisions ou simplement pour affirmer sa position, son statut. Les personnes cherchent à augmenter leur pouvoir par l’instauration de rapports de domination et de soumission. Une bataille entre individus ou entre groupes peut alors être enclenchée, dans une compétition où il y aura immanquablement des gagnants et des perdants.
On peut aussi parler de « conflits de territoires », chacun cherchant à agrandir son territoire, qu’il soit physique, budgétaire, statutaire, d’influence ou encore symbolique.
Ce sont également des « batailles d’egos », puisque ce besoin de dominer, de contrôler, d’imposer sa volonté, est souvent corrélé avec le besoin d’être estimé, reconnu, apprécié… Il y a un mélange d’égocentrisme et d’orgueil à chercher prioritairement la préservation de son image, la satisfaction de ses seuls besoins autocentrés, au lieu de viser l’atteinte d’objectifs communs et la résolution collaborative des problèmes.
Résoudre ce type de conflit peut être complexe, car il est rare que les personnes acceptent de regarder la réalité en face et de communiquer sur leurs motivations profondes. Il y a souvent une forme de déni sur les véritables intentions et une réorientation des causes du conflit (désaccord de fond ou de forme, conflit de valeurs, attribution de la cause à la mauvaise communication de l’interlocuteur, etc.) qui sont alors des « écrans de fumée ». Là encore, une médiation ou un arbitrage peuvent être nécessaires.
De même, il semble utile de communiquer, au sein des organisations, sur ces dynamiques conflictuelles, afin de les reconnaître et de les prévenir, par la mise en place de structures organisationnelles limitant les conflits de pouvoir excessifs.
Par ailleurs, une bonne connaissance de soi et le développement de compétences en intelligence émotionnelle et relationnelle, pour apprendre à mieux gérer les émotions, seront aussi des plus pour favoriser des relations plus coopératives.
La malveillance
Dernière catégorie de conflits, ceux qui sont basés sur une hostilité délibérée. L’une des deux parties peut chercher à nuire intentionnellement à l’autre, avec des méthodes agressives ou manipulatoires. Les causes peuvent être diverses : rancune, vengeance, jalousie, rivalité…
Les personnes ayant un comportement malveillant peuvent abuser de leur pouvoir, chercher à humilier, à faire perdre la face, à dégrader la réputation de leur « adversaire ». Elles peuvent utiliser différentes techniques de manipulation, comme le chantage affectif, la culpabilisation, le fait de semer la discorde avec d’autres personnes, les menaces déguisées, la désinformation, les rumeurs…
Ces méthodes peuvent être destructrices. Les personnes victimes de ces comportements peuvent éprouver un énorme stress, perdre leur confiance en elle, commencer à commettre des erreurs inhabituelles, se sentir désemparées… L’organisation elle-même peut être perturbée dans son fonctionnement, avec une ambiance de travail délétère et des pertes de productivité.
La première chose à faire, en tant que victime dans ce type de conflit, est de se protéger. Celle-ci doit aussi pouvoir trouver de l’aide. Il faut aussi consigner ce qui se passe, car en l’absence d’éléments factuels, ce sera parole contre parole et l’agresseur reconnaîtra rarement les faits reprochés. Les éléments factuels permettront d’objectiver la situation.
Pour contrer des attaques malveillantes, il faut réussir à prendre un peu de recul, comprendre notamment que la personne qui vous agresse en dit davantage sur elle que sur vous. Il faut savoir poser ses limites, déterminer ce qui est acceptable ou non, et l’exprimer clairement. Il s’agit dans certains cas d’envisager le recours à une autorité compétente, hiérarchique ou juridique, afin de demander un arbitrage et la fin des comportements inacceptables.
Le repérage de ces attitudes concerne tout le monde au sein des organisations, autant la direction générale que les ressources humaines, l’ensemble de la chaîne managériale et les collègues. Fermer les yeux et ne rien faire est en soi une forme de complicité. Des règles claires doivent être stipulées et vérifiées concernant la malveillance et le harcèlement au travail.
Enfin, il se peut qu’un conflit soit situé à la frontière de plusieurs catégories (des besoins qui se télescopent, avec des maladresses dans la communication, le tout saupoudré d’un historique négatif de la relation qui n’arrange rien !). Dans ce cas, il faut dénouer les fils un à un pour s’attaquer à la cause racine :
- Faut-il d’abord résoudre le vieux problème entre nous, qui est à l’origine de nos difficultés de communication d’aujourd’hui ?
- Devons-nous plutôt faire table rase du passé pour nous concentrer sur nos besoins à satisfaire ici et maintenant et de quelle façon ?
- Devrions-nous surtout apprendre à mieux communiquer ensemble, à se dire les choses de manière authentique et apaisée, condition sine qua non pour que la plupart de nos difficultés se résolvent ?
Comprendre dans quel type de conflit nous sommes engagés doit nous permettre de trouver la stratégie de résolution la plus adéquate. Nous verrons dans l’article suivant quelles sont les principales méthodes de résolution de conflit avec leurs avantages et leurs inconvénients.
« Nous devons nous évertuer à réduire les conflits, mais non pas à les supprimer.
Leur existence même est essentielle à la Société ouverte. »Karl Popper
Pour aller plus loin, lisez aussi nos articles : - Gestion des conflits au travail, pourquoi on s’y prend généralement si mal ? - Conflits au travail : en quoi c’est aussi une bonne chose ? Pour passer à l'action, rejoignez la prochaine session de notre programme Communication Efficace. Abonnez-vous à notre page Linkedin pour ne pas manquer les autres articles de cette série à paraître.