Durant un processus de changement, les acteurs vont passer par différentes phases – une véritable courbe émotionnelle du changement – qui vont influencer leurs attitudes et comportements. Ces phases sont plus ou moins prégnantes selon chaque individu ou l’importance du projet. Leur connaissance et leur compréhension sont fondamentales pour piloter un projet qui respecte les besoins humains des collaborateurs. Le but n’est pas d’empêcher ces phases de se produire (le pourrait-on ?) mais de les accompagner au mieux quand elles surviennent, en essayant d’équilibrer l’atteinte des objectifs fixés et le bien-être au travail des membres de l’équipe.
Les 7 étapes de la courbe du deuil
On doit à Elisabeth Kübler-Ross (EKR), psychiatre d’origine suisse, d’avoir proposé un modèle présentant les différents stades émotionnels vécus par une personne qui apprend sa mort prochaine.
Cette « courbe du deuil » a par la suite été reprise pour observer d’autres situations où les individus vivent une forte sensation de perte (perte d’un être cher, perte d’emploi, divorce, changement important et non souhaité, etc.).
Selon EKR, ces étapes ne sont pas toujours vécues dans le même ordre, chaque personne passera plus ou moins de temps à chacune d’entre elles et ne les vivra pas forcément toutes.
Bien que pensées à l’origine pour une autre raison (le deuil effectif d’une personne), ces 7 étapes sont régulièrement exposées dans les formations sur l’accompagnement au changement.
Les voici, présentées de manière très synthétique et sous forme de questions que la personne se pose :
Le DENI : « Ce n’est pas vrai… Ce n’est pas possible, je n’y crois pas, il doit y avoir une erreur, il y a forcément une porte de sortie, une autre solution… ».
La REVOLTE : « C’est injuste, c’est inadmissible, il faut se battre contre ça… ».
La TRISTESSE : « C’est désespérant, je ne peux l’accepter, ça n’a pas de sens, c’est déprimant… ».
L’ANXIETE : « Je suis confus, que va-t-il se passer ? Comment tout cela va-t-il finir ? Je suis inquiet… ».
Le MARCHANDAGE : « Et si tout cela s’arrêtait ? Si une solution miracle apparaissait d’un coup ? Et s’il suffisait de changer telle ou telle chose ? Il reste un espoir… »
L’ACCEPTATION : « C’est comme ça, on n’y peut rien… De toute façon, on ne reviendra pas en arrière… C’est la faute de… Je ne suis pas OK mais mieux vaut tourner la page et regarder devant… ».
Le REBOND : « Il faut y aller… il faut se remettre au travail, avancer, trouver des solutions, se reconstruire, évoluer… ».
Du déni au rebond : la courbe émotionnelle du changement
La flèche horizontale est celle du temps qui avance, la double flèche verticale représente le niveau d’engagement dans le projet de transformation.
Ces réactions émotionnelles existent et doivent être prises en compte dans un « plan de conduite du changement ».
Quelques réflexions néanmoins :
- Un projet de changement au sein d’une entreprise n’a objectivement pas la même charge affective que sa propre mort ou celle d’un être cher ! Il faut garder cette notion à l’esprit, au risque sinon de relativiser (ou exagérer) à outrance tous les évènements de la vie.
- Cette courbe correspond principalement à des personnes plutôt en antagonisme avec le projet proposé. Il va de soi que les personnes en synergie avec le projet ne passeront pas forcément par toutes ces étapes. Elles pourront tout de même vivre avec une certaine mélancolie la fin d’une époque ou le départ d’un lieu familier, ou encore ressentir de l’appréhension juste avant un changement de mission… mais ne passeront pas par le déni ou la révolte, ou de manière rare ou modérée.
- Chaque personne passe à son rythme dans les différentes étapes et pas forcément dans toutes. La durée dépend à la fois de la façon dont le projet de changement est vécu, de l’attachement à l’ancien système, de la personnalité et du profil de chacun face au changement, de l’accompagnement proposé, des influences positives ou négatives au sein du groupe, etc.
Une stratégie d’accompagnement
L’idée est qu’à chaque étape de la courbe, un accompagnement spécifique et approprié peut être proposé.
En phase de déni, la priorité sera donnée à la communication, sur l’importance et l’intérêt du changement, sur la vision et le sens, sur les bénéfices pour les individus et le collectif…
C’est un fort moment de déstabilisation pour les personnes. Le déni est une réaction de défense, de fuite de la réalité pour ne pas avoir à y être confronté.
Il ne faut donc pas mentir sur ce qui se passe, pour ne pas entretenir davantage l’illusion qu’il ne se passe rien ou que tout va « rentrer dans l’ordre » ! Pour autant, si la communication doit être claire et transparente, elle ne doit non plus être violente, la situation l’est déjà suffisamment pour les personnes.
Lors de la phase de révolte, c’est la colère qui est généralement l’émotion associée, avec ses différents degrés : frustration, agacement, hostilité, fureur…. Par ailleurs, la colère est souvent l’expression d’un sentiment de peur, plus profond et moins facile à exprimer pour certains profils (déception, abattement, impuissance…).
C’est un moment où les tensions sont vives et où la pression est forte pour tout le monde (conflit social, menace de grève). Il s’agira d’écouter et de comprendre, de prendre en compte les craintes et objections, de peaufiner le projet de changement afin de l’ajuster aux capacités et au rythme des acteurs. Un projet parfait sur le papier mais inadapté au public qui doit le mettre en œuvre est souvent voué à l’échec.
Lors des phases de tristesse et d’anxiété, les risques psychosociaux ont tendance à augmenter (démobilisation, démotivation, dépression…), ce qui induit des pertes de productivité (moins d’énergie, absentéisme) et des risques sur la qualité et surtout la sécurité (perte d’attention et de concentration). Un focus important devra donc être porté sur ces aspects. Là aussi, les capacités d’écoute et de compréhension seront essentielles pour aider les personnes à avancer.
Enfin, au moment de l’acceptation, les personnes auront besoin d’aide, de soutien, de formation pour ancrer la nouvelle organisation, les nouveaux comportements. Le pilote du changement veillera à mettre en évidence les premières réussites, les effets positifs observables, à valoriser les efforts engagés et les résultats obtenus.
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