Comment gérer la résistance au changement

La résistance au changement est une question majeure pour la plupart des organisations. Face à un monde en constant bouleversement, elles ont besoin d’évoluer, de s’adapter. Et pour cela, d’entraîner toutes leurs équipes vers le changement. Or, chacun vit les changements de manière personnelle et subjective, en fonction des expériences vécues, des représentations positives ou négatives du changement à venir. Quel est mon intérêt ? Suis-je convaincu par ce projet de changement ? La balance bénéfices/risques me semble-t-elle avantageuse ? Y a-t-il des renoncements qui peuvent me créer un conflit interne ?

Dans le monde managérial, les « résistances » au changement sont souvent vues comme une sorte de handicap, une attitude négative, voire archaïque, qui ferait principalement perdre du temps et de l’argent, alors que le changement est de toute façon inéluctable.

Pourtant, l’être humain reste assez rationnel et si les gens « résistent » c’est qu’ils ont leurs raisons ! Ne pas chercher à les comprendre est généralement un mauvais calcul. Si une personne s’oppose à un changement qu’elle ne comprend pas, il y a fort à parier que si, en plus, elle a l’impression que sa réticence n’est pas du tout prise en compte, elle va rigidifier davantage sa position, avec une résistance active ou passive, selon sa personnalité et son pouvoir d’influence.

Résistance au changement : comprendre le contexte

Le niveau de résistance des acteurs dépend aussi en grande partie de la stratégie utilisée pour mener à bien le projet de changement. On observe généralement 6 stratégies de conduite du changement :

  • La communication (présenter, informer, expliquer, répondre aux questions, valoriser…).
  • La participation (concerter, consulter, ateliers, commissions, participation aux instances…).
  • La facilitation (bien préparer, anticiper, séquencer les étapes, accompagner, former, aider…).
  • La négociation (débattre, chercher des compromis, des consensus, collaborer, coopérer…).
  • La manipulation (avoir un agenda caché, masquer les vrais enjeux, utiliser des techniques d’influence, structurer des alliances fluctuantes, entretenir une certaine confusion…).
  • La coercition (obliger, menacer, mettre le dos au mur, ne pas laisser le choix…).

Il va de soi que les deux dernières stratégies (manipulation et coercition), ne sont pas recommandées si l’on souhaite maintenir des relations positives et durables avec l’ensemble des acteurs. Faire passer un changement « en douce » ou « en force » va généralement occasionner de la soumission, de la passivité, de la rébellion ou même de la révolte. Il y a rupture du lien de confiance, qui risque d’être très difficile à réinstaller. Si les personnes ont l’impression d’avoir été piégées, abusées ou contraintes, cela augmentera d’autant leur résistance au changement, de manière directe ou indirecte.

Repérer et distinguer les types de résistance au changement

On résiste plus ou moins en fonction de l’impact envisagé du changement. Parmi les principales résistances, on observe :

  • Une peur de l’inconnu, de la nouveauté, une insécurité face à une situation qui risque de faire perdre le contrôle ou le pouvoir, la crainte de perdre ce que l’on possède ;
  • Un rapport pertes/gains jugé défavorable en temps, en énergie… (« Je n’y trouve pas mon compte ») ;
  • Une priorité donnée à son intérêt personnel (égocentrisme) ou son groupe d’appartenance (« esprit de clocher ») ;
  • Une remise en cause de ses compétences et la peur de ne pas être à la hauteur, de perdre la face (impression d’être stupide, dépassé…).
  • Un manque de confiance dans le projet, par méconnaissance des intentions ou par méfiance envers d’éventuels enjeux et agendas cachés des initiateurs ;
  • Un manque de confiance dans le pilote du changement (trop jeune, peu expérimenté, mal organisé, a des « casseroles ») ;
  • De mauvaises expériences passées (« Chat échaudé craint l’eau froide ») ;
  • Une confusion due à trop de changements à la fois ou dans la durée, une saturation face à la quantité de travail et à la pression ;
  • Un changement vécu comme brutal, mal amené, sans consultation ou trop rapidement ;
  • Une mauvaise compréhension du projet, un manque de sens, de vision… ;
  • Un désaccord sur l’objectif ou la stratégie du changement ;
  • Un niveau d’ouverture d’esprit et une aptitude au changement limités (peu de curiosité, pas envie d’apprendre, imagination et créativité peu développées…).

Cette liste est évidemment non exhaustive, mais elle donne des indications sur la pluralité de bonnes ou mauvaises raisons de résister.

Accepter d’écouter les résistances donne de l’information sur la pertinence du changement envisagé et sur le type d’accompagnement le plus approprié.

De plus, une bonne écoute permettra aux personnes en difficulté dans le changement de prendre davantage conscience de la source de leurs résistances. Elles auront ainsi des moyens supplémentaires pour mieux les comprendre et, pourquoi pas, les dépasser.

Les profils face au changement

Dans un projet de changement, il y a 3 grands rôles :

  • Les concepteurs qui conçoivent le projet de changement et ont normalement une vision d’ensemble sur tous les enjeux (financiers, stratégiques, RH, juridiques…).
  • Les organisateurs qui mettent en œuvre le changement, ont la responsabilité de son pilotage, construisent la stratégie étape par étape, motivent et coordonnent les acteurs et rendent compte aux concepteurs.
  • Les récepteurs qui sont les destinataires du changement, ceux qui doivent changer concrètement. C’est bien sûr le groupe le plus nombreux et celui où les résistances sont les plus susceptibles d’apparaitre.

Deux axes peuvent être dessinés pour représenter notre profil face à un changement donné, en fonction du caractère agréable ou non et du niveau de facilité ou difficulté de mise en œuvre de ce changement.

L’axe d’agréabilité est lié à notre motivation face au changement. Plus celui-ci est souhaité et apprécié, plus il nous sera agréable et inversement.

L’axe facilité/difficulté concerne plutôt notre capacité à réaliser le changement escompté. Un changement, même souhaité, peut néanmoins être difficile à effectuer, soit par manque d’expérience, manque de moyens, manque d’accompagnement…

4 profils face au changement

Profil 1

Le changement est à la fois relativement facile à opérer mais peu agréable. C’est une nécessité, un passage obligé, un problème qui peut être surmonté mais qui n’est pas spécialement plaisant. La personne a besoin ici d’être convaincue de l’intérêt du changement, d’y trouver un sens pour rendre l’expérience moins pénible pour elle.

Profil 2

Le changement est vécu comme quelque chose à la fois facile et agréable. Ce profil a un rôle moteur dans le changement, il est demandeur. En revanche, il risque d’avoir du mal à accepter les résistances des uns et des autres, à ne pas les comprendre. Attention aussi à ne pas chercher à changer uniquement pour le plaisir du changement, sans raison utile.

Profil 3

Le changement n’est pas facile mais il est vécu comme agréable, positif, utile.  Peut-être que l’expérience a rendu la personne prudente face aux réels efforts à déployer pour réussir une transformation. A contrario, peut-être surestime-t-elle les difficultés. Un travail sur la confiance pourra être de mise et faire attention à bien donner les moyens pour réaliser le changement dans les meilleures conditions.

Profil 4

Le changement est ici à la fois désagréable et difficile. C’est une contrainte pénible à accepter et qui crée beaucoup de résistance. La personne aspire à la stabilité et risque d’être difficile à convaincre du bien-fondé du changement proposé. Son esprit critique sera aiguisé à la fois sur le sens, les objectifs, la méthode, le pilote, etc.

Ces 4 profils peuvent être rapprochés du modèle de « management situationnel » de Paul Hersey et Kenneth Blanchard.

Dans ce modèle, qui propose d’adapter son style de management (Directif, Persuasif, Participatif ou Délégatif) en fonction du niveau d’autonomie des personnes que l’on dirige, les auteurs donnent comme indicateur de l’autonomie un schéma avec 2 axes : la motivation et la compétence.

Les indicateurs de l'autonomie face au changement

Ainsi, l’agréabilité est liée au niveau de motivation et l’axe facilité/difficulté est lié à la compétence. Pour chaque profil, la question va alors se poser de la priorité managériale à mettre en avant : soit créer les conditions de la motivation (profils 1 et 4) ou aider à développer des compétences (profils 3 et 4).

La cartographie des acteurs dans un projet de changement

Dans la conduite d’un projet de transformation, l’analyse de la posture des acteurs va permettre d’adapter sa stratégie de pilotage et notamment d’optimiser son « plan de conduite du changement » d’un point de vue humain et relationnel.

Une certaine typologie d’attitudes a été observée, allant des plus proactifs et engagés aux plus opposants au projet. On l’appelle « cartographie des acteurs » ou encore « carte des partenaires ».

Le schéma ci-dessous reprend cette typologie et indique quelles attitudes managériales semblent les plus adaptées avec chaque profil.

Par ailleurs, une personne n’est pas forcément bloquée dans une catégorie, son comportement peut évidemment évoluer : en fonction de sa compréhension du projet, de l’attitude du pilote à son égard, du réseau d’influence au sein du groupe, des effets concrets du changement au fur et à mesure de sa mise œuvre, etc.

Attention donc à ne pas étiqueter ou cataloguer une personne de manière rigide et définitive et à rester attentif à son évolution durant tout le processus.

L’indicateur permet aussi de repérer si la dynamique générale évolue dans un sens ou dans un autre. Si de plus en plus d’acteurs laissent tomber leurs résistances et se mettent en synergie avec le projet, vous savez a priori que votre stratégie porte ses fruits.

A contrario, si de plus en plus de personnes entrent en antagonisme avec le projet de changement, cela indique que quelque chose ne fonctionne pas et qu’il va falloir rectifier le tir (mieux expliquer, remobiliser, obtenir des résultats concrets, contrebalancer l’influence négative de certains, etc.).

« Moteurs » : Ce sont évidemment les principaux alliés du projet et du pilote, ses relais d’influence. Il convient donc d’être présent avec eux, de leur confier des responsabilités dans la mise en œuvre du projet, voire de leur proposer quelques défis. Parfois, il faudra aussi les cadrer, notamment en termes de rythmique, pour éviter le décrochage des autres.

« Constructifs » : Deuxième catégorie d’alliés dans le projet, ils demanderont un travail d’information, d’explication, d’écoute et de réponse aux questions afin qu’ils puissent s’impliquer et faire complètement alliance avec le pilote.

« Silencieux » : Les silencieux sont souvent soit des résistants « passifs » soit des personnes dans l’indécision, qui ne savent pas vraiment quoi faire ni comment. L’important sera d’abord de créer un climat de confiance pour qu’ils puissent s’exprimer. Il s’agira ensuite de les solliciter, de les mettre en mouvement et de ne pas oublier de les remercier lorsqu’ils se mobilisent.

« Indécis » : Tout comme pour la catégorie « ambivalents », il conviendra en premier lieu de les rassurer, de répondre à leurs questions et leurs craintes de manière directe et transparente. Une fois les émotions apaisées, il y aura certainement un travail de conviction à effectuer. Puis, il s’agira de les accompagner dans la mise en pratique du changement souhaité.

« Résistants » : La priorité sera bien entendu de trouver les raisons de cette résistance. Parfois, les causes racines ne sont pas exposées tout de suite, il faut donc creuser un peu et « entendre ce qui n’est pas dit explicitement ». La personne qui résiste de manière frontale a souvent besoin de le faire en collectif, pour gagner en assurance et/ou en influence. Une bonne stratégie de confrontation et de négociation est d’arriver si possible à discuter entre 4 yeux, pour que les raisons puissent être exposées de manière plus authentique, sans le regard des autres.

Sauf évidemment lors d’un véritable conflit social dû au changement annoncé, où ce sont alors des collectifs qui sont en situation conflictuelle. Dans ce cas, la stratégie de l’entretien individuel s’apparenterait à la technique du « diviser pour mieux régner » et risquerait d’avoir un effet contre-productif.

« 100% Opposants » : Ce sont des « résistants » au projet qui sont dans une position figée et avec qui toute négociation semble a priori bloquée. Est-ce une posture de principe ? Quelles sont les raisons de cette attitude ? Y a-t-il eu des erreurs de commises dans la communication du projet de changement ? Est-ce dû à un historique, pas forcément lié au projet en cours ? Ces personnes peuvent-elles empêcher le projet de changement de s’effectuer ?

Les réponses à ces questions vont orienter la stratégie du pilote vis-à-vis de cette catégorie de personnes. Si la discussion ne peut s’ouvrir vers une forme de négociation, les principaux problèmes du pilote du changement vont être :

  • Quelle influence et contagion possible envers le reste de l’équipe ?
  • Quelle énergie et quel temps investir pour tenter de faire bouger les lignes ?
  • Peut-on trouver, au moins momentanément, un « modus vivendi », une coexistence pacifique, sans altérer complètement la collaboration et/ou la relation ?

Parmi les principaux signaux observables et indiquant la « résistance », citons :

  • L’inertie (évitement ou déni du problème, inaction, absence de mobilisation, procrastination, grève du zèle, faire semblant de ne pas comprendre…).
  • Les contre-arguments (pour obtenir des preuves de l’intérêt du changement, pour mettre en exergue des incohérences réelles ou supposées, pour remettre en question le bien-fondé…).
  • La révolte (rapport de force, conflit, revendications, menaces, grève…).
  • Le sabotage (acceptation de façade, révolte silencieuse, résistance en arrière-cour, excès de zèle pour montrer la stupidité de certaines décisions, absentéisme, etc.).

Un autre tableau simplifié répertorie les attitudes clés en fonction du degré d’influence des acteurs dans l’équipe et de leur représentation des gains et des pertes à titre personnel :

les 4 attitudes majeures face au changement

Ainsi, une personne qui perçoit principalement les pertes pour elle à travers le projet en cours, et qui a peu d’influence sur ce qui se passe, va avoir tendance à se mettre en position de retrait, à ne pas s’impliquer, à attendre que ça se passe, dans une sorte de résistance passive.

A contrario, une personne qui voit aussi davantage de pertes que de gains dans le changement à venir, mais qui a une forte influence sur le groupe, n’hésitera peut-être pas à se mettre en opposition frontale.

Le pilote d’un projet de changement doit donc être particulièrement attentif aux postures des uns et des autres, ce qui peut lui permettre d’anticiper et de désamorcer un grand nombre de résistances.

La clarté de son discours, le sens partagé qu’il va donner au projet et à son utilité, les réponses transparentes aux questions légitimes des participants, l’écoute attentive de leurs préoccupations, les mesures d’accompagnement mises en place, l’adaptation de sa stratégie aux problèmes réels rencontrés sur le terrain… seront des attitudes clés de sa part pour susciter la confiance et créer les conditions de l’engagement.

La résistance au changement non souhaité est une attitude normale. Le pilote d’un projet doit l’accepter et l’intégrer. Sa capacité à « faire avec » sera l’une des clés de réussite du changement. Cette prise en compte de l’altérité est nécessaire dans tout projet de transformation qui souhaite pleinement intégrer la dimension humaine.

 

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