Mieux travailler ensemble grâce au message-Je

Lorsqu’un collègue vous signale qu’il ou elle a un problème qui perturbe sa productivité et l’empêche d’être efficace, vous pouvez passer en mode « écoute active ». Mais que se passe-t-il si la situation est inversée et que c’est vous qui avez un problème ? Il est important de savoir comment vous sortir de cette situation : comment allez-vous faire pour vous aider vous-même ? Lorsque le comportement d’une personne vous cause un problème, comment pouvez-vous l’inciter à changer sans lui faire perdre la face ou lui faire éprouver du ressentiment à votre égard ?

Prenons quelques exemples. Un membre de votre équipe a été en retard à plusieurs réunions importantes. Un collègue qui s’était porté volontaire pour effectuer certaines tâches n’a pas rempli son engagement. Le manager d’un autre service a empêché votre équipe de respecter une échéance très importante. On pourrait dire que ces comportements vous posent un problème parce qu’ils vous empêchent de satisfaire vos besoins, et tout simplement de faire votre travail.

Ces situations exigent une compétence tout à fait différente de celle que vous avez lorsque vous essayez d’aider une autre personne à résoudre son problème. Dans ce dernier cas, vous êtes un conseiller, un récepteur, une oreille, vous voulez aider l’autre personne. Lorsque c’est vous qui avez le problème, vous êtes un émetteur, un influenceur. C’est vous qui sollicitez. Vous voulez vous aider vous-même. Cela signifie que vous devez vous affirmer, vous dévoiler, donner à l’autre personne des informations qui l’aideront à comprendre en quoi son comportement vous pose problème.

Les compétences d’affirmation de soi sont bien différentes des compétences d’écoute et elles peuvent être beaucoup plus difficiles à utiliser. En effet, nous sommes presque tous réticents à dire aux autres que leur comportement nous pose un problème. Personne n’aime entendre cela. Nous craignons qu’ils ne se sentent blessés, se mettent en colère ou ne nous comprennent pas.

Pour certains leaders, cette appréhension est si présente qu’ils évitent tout simplement cette confrontation avec les membres de leur équipe. Mais il y a un prix énorme à payer pour un tel silence : le problème n’est ni traité ni résolu. L’autre personne est laissée dans l’ignorance et le dirigeant développe du ressentiment. La relation reste ou devient inauthentique.

La peur de la confrontation

Nous avons presque tous eu de mauvaises expériences de confrontation tout au long de notre vie, à commencer par nos parents et nos enseignants. Le plus souvent, la façon dont nous avons été confrontés nous a contrarié et nous a rendu résistants.

Dans nos formations, nous appelons ce genre de confrontation un « message-Tu » car il rejette la faute sur l’autre personne : « Tu es en retard », « Tu n’es pas respectueux », « Tu devrais être plus responsable », « Voici ce que tu dois faire ». Non seulement ces messages-Tu ne parviennent pas à influencer l’autre personne pour qu’elle change le comportement qui vous pose problème, mais ils ont en plus pour effet de nuire à la relation.

Comme c’est vous qui avez un problème, il est essentiel que vous vous en empariez. C’est vous qui êtes concerné, contrarié, frustré et inquiet. Dans cette situation, votre attitude consiste à vous affirmer, à vous révéler, à être ouvert, honnête et direct avec les membres de votre équipe ou les autres personnes de votre vie. C’est le moment d’exprimer un message-Je (*) : « Je suis contrarié », « Je suis inquiet », « Je suis tellement frustré ».

La partie « sentiment » du message est essentielle, mais elle n’est pas suffisante. Il est également très important de faire connaître à l’autre personne le comportement qui crée le problème et de lui dire ensuite l’effet tangible et concret que ce comportement a sur vous.

Quelques exemple de message-Je

  • À un membre de votre équipe : « Je suis très contrarié (sentiment) lorsque les demandes de clients potentiels ne reçoivent pas de réponse dans les délais convenus (description non critiquable d’un comportement précis inacceptable) parce que j’ai peur que nous perdions des affaires et que nous donnions une mauvaise image de notre organisation (effet tangible et concret). »
  • À votre collègue : « Lorsque je suis interrompu pendant ma présentation (description non critiquable d’un comportement précis inacceptable), je me sens frustré (sentiment) parce que cela me déconcentre et que je risque d’oublier quelque chose (effet tangible et concret). »
  • À votre enfant, jeune adulte : « Lorsque le réservoir d’essence a été laissé presque vide (description non incriminante du comportement précis inacceptable), j’étais contrarié (sentiment) parce que je devais m’arrêter pour prendre de l’essence et cela m’a mis en retard au travail (effet tangible et concret). »
  • Et voici un autre message-Je que j’ai reçu d’un collègue de travail en début de semaine : « Nous sommes le 23 août et je ne vois aucun signe de l’article de la newsletter sur lequel nous travaillons ensemble. Je crains que la newsletter ne soit pas envoyée à temps à nos clients qui la trouvent précieuse et utile. C’est aussi une action de marketing très efficace pour nous« . Il va sans dire que ce message a attiré mon attention et m’a incitée à respecter le délai que nous avions précédemment convenu.

Un moyen simple de se rappeler les trois parties du message-Je est « C.E.S quoi ? » (Comportement, Effet, Sentiment). Sachez que l’ordre n’a pas d’importance. Ce qui est important est de bien inclure les trois parties. En général, il ne suffit pas de décrire le comportement de l’autre personne et de lui dire que vous êtes contrarié ; il faut qu’elle sache pourquoi.

Apprendre à parler à d’autres personnes en utilisant des messages-Je n’est pas facile parce que cela demande une nouvelle façon de penser et de s’exprimer. Cela demande également du courage. Ce courage d’approcher les autres avec ce type de messages est récompensé par la relation authentique qui en découle. La transparence avec les membres de notre équipe, nos conjoints, nos enfants et d’autres personnes, nous ouvre les portes d’une relation vraie, dans laquelle chacun apprend à être ouvert et honnête avec l’autre.

(*) Le concept du message-Je, structuré en trois parties, a été créé par Thomas Gordon.

Traduit et adapté par Isabelle Frignet des Préaux.

Crédit Photo Christina Morillo via Pexels