Le changement est proposé à toutes les sauces dans nos organisations. Pas un programme de formation au management qui ne propose une session sur « Comment accompagner un projet de changement », « Réaliser un diagnostic de changement » ou simplement « Piloter un projet de conduite du changement ». Le leadership « transformationnel » remplace progressivement le bon vieux leadership « transactionnel », basé sur le contrat de mission et les engagements réciproques permettant de faire fonctionner les systèmes organisationnels. Repérer, recruter et former des magiciens du changement, capables d’initier les actions qui vont transformer plus ou moins profondément les entreprises qui les rémunèrent, semble être la nouvelle quête du graal. Le changement devient presque indissociable de la mission même de tout encadrant. Gérer le changement en accompagnant les collaborateurs dans cette mutation, est un des volets majeurs du management, une dimension à présent incontournable.
L’un des paradoxes intéressant de ce concept est que si le changement est partout, dans tout ce qui nous entoure, dans chaque être vivant, à chaque instant, si tout est constamment en mouvement et en transformation, du noyau atomique aux galaxies, il n’en reste pas moins que le changement est souvent vécu comme difficile, coûteux, désagréable, aussi bien individuellement que collectivement.
Qu’est-ce que le changement ? Quelles sont ses différentes dimensions ? Ses enjeux ? Comment établir un diagnostic de situation puis accompagner le projet de transformation, le piloter ? Quels critères le management doit-il considérer et quelles stratégies doit-il adopter pour réussir un projet de transformation ?
Nous vous proposons une série d’articles sur le sujet pour éclairer ces questions et vous donner aussi des outils de communication pour mettre (ou remettre !) l’Humain au cœur de vos projets de changement. Dans ce premier article, nous définissons ce qu’est le changement, quelles sont ses différentes dimensions, afin d’être en capacité d’établir un diagnostic de la situation.
Définir le changement
Le changement est par définition un processus de transformation en vue de s’adapter. Le dénominateur commun à tout processus de changement est le mouvement, régulier et continu, ou bien rapide et en accélération. Le contraire du changement est la fixité, la rigidité, la stabilité d’un système.
L’analogie avec le vivant est pertinente pour décrire le processus de changement.
L’embryon devient un fœtus qui donnera un nouveau-né ; l’enfant se transformera en adolescent avant d’être adulte puis vieillard. Toute notre vie est une succession de changements, imperceptibles ou radicaux. Chaque instant de notre vie est rythmé par d’innombrables mouvements, gérés notamment par nos systèmes physiologiques en interactions (circulation sanguine, respiration, influx nerveux, digestion…). Même pendant notre sommeil et de manière inconsciente, tout bouge tout le temps, en nous et à l’extérieur de nous. Nous changeons subrepticement sans même nous en rendre compte et nous nous transformons durant toute notre existence, telle la chenille en papillon.
Pourtant, tout en ayant conscience de l’aspect naturel et inéluctable du changement, voire de sa nécessité, il peut néanmoins nous faire peur, nous déranger.
Une partie de nous est attirée vers l’avenir, le nouveau et l’inconnu… et une autre est retenue dans le passé, l’ancien, le « déjà connu », dans une sorte de conflit interne qui repose sur notre appréciation des gains et des pertes que le changement risque d’occasionner. Les collaborateurs qui sont confrontés à cette situation au sein de l’entreprise peuvent perdre leurs repères et leur motivation.
Les nouvelles technologies numériques transforment nos pratiques professionnelles et relationnelles, modifient notre accès à l’information, augmentent considérablement la vitesse de transmission des données.
La mondialisation rebat les cartes de la concurrence, met en compétition des pays et des continents.
Les problèmes écologiques obligent à trouver des solutions innovantes, changent notre échelle de valeurs et nos priorités.
Dans le monde professionnel actuel, une grande partie des changements sont imposés de l’extérieur.
Une entreprise bien installée et leader sur son marché depuis des décennies peut, du jour au lendemain, être concurrencée, défiée et mise en danger par un nouveau venu, qui va proposer une innovation technologique ou un changement de paradigme dans l’accès aux produits et services (le marché de la musique numérique sur plateformes virtuelles, les banques en ligne, les locations de voyage en Airbnb, etc.).
Changer, s’adapter, évoluer, s’améliorer n’est pas qu’une mode contextuelle, c’est parfois une nécessité pour continuer à exister.
Les degrés du changement
Les changements peuvent être légers ou radicaux, progressifs ou brutaux. Ils peuvent ne concerner qu’une petite partie de nos processus de fonctionnement ou remettre en question notre raison d’être en tant qu’organisation. C’est pour toutes ces raisons qu’il est si important en amont d’établir un diagnostic !
Nous pouvons envisager le changement selon son « degré », c’est-à-dire la quantité de modification qu’il apporte dans un système :
- Régulation : simple flux d’ajustements réguliers, quotidiens et souvent peu perceptibles…
- Amélioration continue : la méthode des petits pas, le « Kaisen » issu de l’industrie japonaise…
- Adaptation : aux moyens, à l’environnement, aux évènements, à la concurrence…
- Prévention : suite à une analyse des risques, en prévision d’une situation à venir…
- Guérison (curatif ou correctif) : la résolution d’un problème important qui menaçait l’entreprise, la correction d’un dysfonctionnement…
- Mutation : la réorganisation des pôles ou directions, le repositionnement sur le marché, la transformation de la stratégie, des produits ou des services…
- Innovation : l’invention, la création de nouveaux produits ou services, la transformation radicale et profonde de l’organisation…
Chaque degré de changement décrit ci-dessus va demander une organisation et une stratégie de pilotage différenciées. L’impact sur l’entreprise et sur les individus qui la composent ne sera pas le même. Idem pour les ressources à mobiliser dans le cadre du plan d’action.
Certains degrés de changement peuvent nécessiter une aide extérieure, permettant de prendre de la distance (ex. : la mutation).
D’autres vont pouvoir s’ancrer progressivement dans la culture de l’organisation, grâce au pilotage managérial et à l’engagement de tous les acteurs (ex. : l’amélioration continue).
Enfin, pour certaines transformations plus profondes, pour réussir un « saut disruptif », il pourra être nécessaire de recruter des profils de postes et de personnalités très différents de la culture d’origine de l’entreprise, pour sortir des sentiers battus, trouver de nouvelles idées, oser découvrir de nouveaux territoires d’action.
Les dimensions systémiques du changement
Chaque projet de changement va se situer à un certain niveau, dans une dimension spécifique, tout en étant en interaction systémique avec d’autres dimensions.
Voici quelques-unes de ces dimensions :
Un bon diagnostic de départ consistera donc à déterminer la dimension du changement qui est visée, pour ne pas se tromper de cible et utiliser les stratégies et ressources adaptées. Par ailleurs, il conviendra d’envisager l’impact du changement souhaité sur les autres dimensions.
La mise en place d’un nouvel outil technologique, d’un logiciel métier par exemple, peut induire un changement de mission pour les personnes, une plus grande polyvalence, une montée en compétence… Cela peut modifier aussi le rôle du management et de l’encadrement, sa posture, voire sa raison d’être.
Tout changement à un certain niveau, même subreptice, peut entrainer une cascade de modifications dans les autres dimensions de l’organisation.
Bien sûr, on ne peut pas tout prévoir à l’avance. Mais avoir ce pas de recul, cette prise de hauteur, pour envisager l’aspect systémique d’un projet de changement et s’y préparer, peut parfois permettre d’éviter bien des désagréments et échecs.
Diagnostiquer le changement
Suivant que le changement est souhaité ou non souhaité, attendu ou non-attendu, les réactions des acteurs vont être différentes et l’accompagnement aussi.
Observons et décryptons 3 grandes familles du changement :
- Le changement « VOULU ET ATTENDU »
- Le changement « NON-VOULU ET ATTENDU »
- Le changement « NON-VOULU ET NON-ATTENDU »
Chaque tableau récapitulatif va recenser d’un côté les principales réactions possibles des acteurs du changement dans cette configuration et, de l’autre côté, le rôle auquel chaque pilote du changement doit se préparer, ou encore ce qui est généralement attendu de lui par les acteurs avant, pendant et après la mise en œuvre du changement.
1. Le changement « VOULU ET ATTENDU »
Les personnes sont plutôt « OK » avec le changement à venir, elles y sont préparées et elles l’attendent. Cette configuration est évidemment la plus favorable.
Attention toutefois : certaines attentes peuvent être déçues, de l’impatience peut se faire jour si le changement tarde à se mettre en place, etc. Tout n’est pas forcément acquis parce que le changement est vu comme « positif » par une majorité de participants. Il y a des points de vigilance à repérer pour le pilote.
2. Le changement « NON-VOULU ET ATTENDU »
Ici, bien que le changement qui arrive ne soit pas une surprise, il y a un apriori de départ plutôt négatif. Le changement n’est pas le bienvenu, est redouté, bouscule les habitudes, crée des réactions de défense. Un important travail d’accompagnement, d’écoute, d’explication va incomber au pilote du projet (ou à l’équipe projet).
Chaque erreur, chaque faux pas, risque de prendre une ampleur démesurée, les peurs étant très présentes et chacun cherchant à renforcer son impression de départ. Les qualités de communication vont être essentielles.
3. Le changement « NON-VOULU ET NON-ATTENDU »
C’est, bien sûr, le type de changement où les émotions risquent d’être le plus exacerbées. L’effet de surprise est un « état de choc », les réactions de défense (déni, colère, fuite…) sont très fortes. Ce type de configuration s’apparente à une gestion de crise, à un pilotage au cœur de la tempête. Cette situation peut être due à un évènement extérieur imprévisible (catastrophe naturelle, pandémie, chute de la bourse…) ou à une décision interne qui a été tenue secrète jusque-là. La personne chargée de mener à bien ce processus de changement va devoir être solide émotionnellement, affirmée dans sa communication et capable de prendre des décisions difficiles.
Savoir diagnostiquer le changement selon son degré, sa dimension et son type est donc primordial. Cela va permettre de clarifier sa vision, son objectif et de concevoir une stratégie qui prendra en compte les aspects humains, émotionnels et relationnels. Suivant que le changement sera négocié ou imposé, momentané ou continu, superficiel ou en profondeur, les méthodes d’accompagnement et le plan d’action devront s’adapter. En plus de ses capacités d’anticipation et d’organisation, un pilote du changement devra s’appuyer sur sa capacité à établir un diagnostic, sur ses qualités d’écoute, d’assertivité, de prévention des tensions, de médiation et de résolution de conflit.
Vous souhaitez vous former à la conduite du changement ? Consultez notre formation "Piloter le changement".